Harcèlement au travail, j’aurais dû m’en douter

J’aurais dû m’en douter que ce travail allait mal se passer. Et pourtant j’avais l’impression d’avoir une bonne dose de confiance en moi et de pouvoir tout gérer. Sauf que lui, il avait déjà tout prévu et son mécanisme était bien rodé. Alors comment ai-je réussi à sortir d’un harcèlement au travail? Voici le témoignage d’un bout de mon ancienne vie de salariée.

Tout commença, le jour où j’ai passé un entretien pour un nouveau travail. J’avais très fortement envie de déménager pour me rapprocher de ma famille et ce nouveau job était l’occasion de pouvoir le faire. D’ailleurs, j’ai évoqué ces raisons lors de mon entretien et il les avaient bien mémorisées. Celui qui m’a recruté est celui qui a voulu ma chute.

Mise en place du piège

Au début de cette prise de poste, j’ai été protégée car il y avait un niveau hiérarchique entre lui et moi. Et puis, mon responsable a quitté le navire, assez rapidement d’ailleurs. J’ai alors eu le poste de mon responsable : sans changement de salaire, avec deux fois plus de travail et seule.

Ensuite après plus de 3 mois sans aucune aide, il m’a imposé de prendre un stagiaire car recruter un stagiaire assurait leur vivier de personnes à embaucher. En même temps, je devais également former la personne qui arrivait pour mon ancien poste. C’est aussi lui qui l’avait choisi. Je n’ai pas eu mon mot à dire sur son recrutement car c’était lui le responsable, le décideur. Chargée à 200% et 2 personnes à former en même temps, pardon 3. J’avais aussi sous ma responsabilité une autre personne à peu près à la même période.

En même temps, c’était de ma faute car je ne savais pas ce que je voulais. D’ailleurs il me le disait : « Vous vous plaignez d’avoir trop de travail et vous ne voulez pas de renfort? » .

Utilisation de la culpabilité. 1er signe. Dès ce moment, lui savait déjà qui me remplacerait. Tout était préparé à l’avance. D’ailleurs quand il a reçu en entretien le stagiaire pour sa fin de mission, je l’ai entendu lui dire : « On fait comme on a dit« . Tout a pris sens quand ce stagiaire a réintégré l’entreprise alors que je l’avais à peine quitté. Comme un jeu de chaise musicale, il avait pris la place restante.

IL avait déjà commencé à tisser sa toile.

Comme une araignée qui souhaite dévorer sa proie, il avait commencé à tisser sa toile autour de moi. Dans le silence. En avançant petit à petit, stratégiquement. En démontant chaque tâche que je faisais. Juste ce qu’il faut pour rendre fébrile, mais pas trop pour ne pas que ça soit visible. En parallèle, j’observais mes collègues qui travaillaient avec lui. Personne ne semblait trouver cela anormal. Pourtant tous les signes étaient déjà bien présents.

Quand j’ai récupéré ce nouveau poste, j’ai réussi à optimiser une grosse partie du travail. Là où mon ancien responsable mettait plus de 3 jours pour récupérer des informations, en 1 journée c’était bouclé et avec une meilleure fiabilité. Excel était mon meilleur allié. Génial me direz vous? Sauf qu’ en optimisant, j’ai aussi mis en évidence des anomalies. Présentes pour certaines depuis un bon moment. Et j’ai posé beaucoup de questions : pourquoi on fait ça? A quoi ça sert? D’où ça vient? Peut-être trop de questions. Et puis je suis allé chercher les informations à la source : auprès des anciens, du service comptabilité, des supports informatiques. En fait, auprès de personnes qui n’étaient pas du même camp. Ils m’ont tous aidés mais lui avait souvent des réponses bien préparées à mes questions :

  • ça a toujours été comme ça.
  • vous n’êtes pas faite pour travailler sur le type de poste de vos collègues
  • il n’y a qu’avec vous que cela pose problème.
  • vous ne savez pas vous adapter
  • il n’y a que vous qui posez autant de questions
  • vous savez, c’est compliqué de trouver un travail en ce moment
  • on m’a dit que…

Toutes ces jolies phrases qui sont venues comme des poids me charger. Et quand je demandai des précisions, en général la volonté de rester flou était bien présente. Pour que le doute s’installe en moi. Peut-être que j’avais posé trop de questions, peut-être que ma méthode n’était pas adaptée, peut-être que je n’aurais rien dû dire?

Le silence était souhaité

Et il a continué. Toujours sans que cela soit visible. Parfois je l’entendais parler avec mes collègues au téléphone. J’avais l’impression qu’il passait un savon à des enfants. Le ton me semblait dénigrant, rabaissant mais personne ne disait rien, jamais.

Un jour, je devais préparer des documents pour le directeur. Il m’avait dit qu’il lui présenterait et que je serais présente avec lui. Quand on s’est assis dans le bureau du directeur, c’est le moment qu’il a choisit pour me dire : « Mlle Massiot, vous présentez les documents? « . Un signe de confiance? Non, c’était ma 1ère réunion avec le directeur. Avec le recul, je pense qu’il voulait me tester ou plutôt me déstabiliser. Dans ces moments là, on se demande si on ne devient pas parano à voir le mal partout. C’est d’ailleurs souvent ce que l’on peut entendre de nos proches ou collègues d’ailleurs. De quoi faire douter encore plus.

Et on doute un peu plus

Un autre jour on a fait une sortie d’équipe. Un repas je crois, ce n’est pas très important. À la fin, on devait reprendre la route. 2 voitures, 6 personnes. Qui monte avec qui? Quand j’ai constaté que personne ne voulait aller dans sa voiture, j’ai eu le sentiment d’être moins seule. Mais les langues étaient toujours liées, muettes. Alors que tout était déjà en route pour moi.

IL avait déjà préparé mon départ

À peine arrivée dans cette entreprise qu’il souhaitait déjà que je sois mutée en dehors de la région. À l’époque, je crois que la mobilité interne n’était possible qu’à compter de 2 ans de présence. J’étais là depuis moins longtemps. Mon grand-père était malade à ce moment là. Je suis plutôt transparente et je lui en avais parlé en indiquant que mon grand-père allait sûrement décéder, donc que j’allais être triste à un moment donné.

Le jour où il m’a proposé deux postes en interne, loin de ma famille, c’était un vendredi. Je m’en souviens très bien. J’avais appris le décès de mon grand-père le jeudi de la même semaine et on l’enterrait le lundi d’après. Il le savait très bien. Il a choisit ce moment là, précisément pour ça. Il a bien fait, cela a été le déclic pour moi. Un déclic de survie.

Des dégâts à différents niveaux

Je vous dirais bien que je me suis remise facilement après avoir quitté cette entreprise. Mais ce n’est pas vrai. J’ai passé un an à pleurer à chaque fois que j’en parlais. Je tremblais à l’idée de le recroiser. Et j’avais plein de questions dans ma tête :

  • Est-ce que c’est de ma faute?
  • Si j’avais agis différemment, est-ce que cela aurait changé quelque chose?
  • L’ai-je cherché?
  • Voyais je vraiment le mal partout?
  • Est-ce que j’ai tout inventé?
  • Suis je capable de retravailler?
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Ce qui m’a aidé dans ce harcèlement

La parole ouvre des portes

Sur les bons conseils d’un ami, j’ai accepté de passer les entretiens d’embauche qu’il m’imposait. Plutôt que de me fâcher en frontal avec lui, j’allais dans son sens. J’ai passé un entretien pour un de ces postes. et je me souviens d’une des questions : « Alors, vous souhaitez bouger? ». « Euh non. C’est mon responsable qui m’a proposé pour le poste ». C’est fou ce que l’on peut voir dans le regard des gens. Ce jour là aussi quand j’ai vu la surprise dans les yeux de mon interlocuteur, j’ai su que son jeu allait être découvert.

Et comme son jeu allait commencer à se voir alors il a accéléré le processus. Comme dans beaucoup d’entreprise, j’ai passé mon entretien annuel d’évaluation. Je l’ai passé en 2 fois, ce qui est plutôt rare. Lors du 1er, il m’avait fait une évaluation relativement basse vis à vis de ma résultats réels. Pour le 2ème, il est revenu dessus et l’a améliorée. Les explications par rapport à ça? C’était bien évidemment moi qui n’avait pas compris, j’avais mal interprété. Sauf que j’avais tout photocopié, tout gardé. J’avais des preuves. Mais c’est moi qui ne comprenait rien. En fait, si mon entretien était mauvais, il ne pouvait plus me faire muter. La raison était là.

À la fin de cet entretien annuel, on se serait cru dans un film à suspense. Il était temps d’officialiser notre séparation mais qui allait le faire? Lui ou moi. Les jeux étaient faits. Il était dans la dernière ligne droite de son objectif.

Des techniques pour me protéger face à lui

À l’époque, j’ai cherché plusieurs moyens pour que cela se passe au mieux pour moi. Après tout, c’était peut-être de ma faute? Je m’étais renseignée sur les techniques de communication (très liées à la Programmation Neuro-linguistique) : comment se positionner physiquement pour faciliter le dialogue, comment paraître « sympathique » rapidement. Et je les ai utilisé au maximum.

Ayant la tête sous l’eau, j’avais besoin de me protéger, d’avoir juste ce qu’il faut de recul pour ne pas être la 1ère à lui dire : je quitte mon poste. Car c’est ce qu’il attendait. Il avait utilisé toutes les moyens possible pour me pousser à bout et que je quitte par moi-même ce poste. Sauf que j’ai tenu et c’est lui qui a prononcé le divorce.

Et le jugement a été validé par son responsable et une RH : « Mlle Massiot, vous avez le choix : ou vous démissionnez ou on vous licencie pour faute grave« . À vrai dire, c’est ce qu’on appelle un choix illusoire. L’objectif était que je parte sans que cette entreprise prenne sa responsabilité. Et donc sans en payer les frais. Une démission ou un licenciement pour faute grave = zéro indemnité. Vous préférez la peste ou le choléra pour mourir? C’est ça un choix illusoire.

Quand on fait son travail et que l’on essaye de rester professionnel jusqu’au bout, c’est un peu le coup de massue. Que la hiérarchie cautionne et encourage, je trouve cela beaucoup plus choquant. Complice à 100% de ce harcèlement. En fait, il avait beaucoup plus de pouvoir que sa place sur un organigramme et c’est pour cela qu’il avait le soutien d’autres. Il entretenait la peur.

Au final, on a trouvé une autre solution, mais en attendant, j’ai été mise au placard. Et j’étais bien à bout physiquement et mentalement.

Prendre conscience de ce qu’il se passait

J’ai mis du temps à mettre un mot sur ce qu’il se passait car il avait tout bien ficelé et très peu choses permettaient de prouver aux autres son comportement. Si ce n’est que le silence des autres étaient aussi un indicateur. On a l’impression de devenir folle et d’inventer des choses dans ce cas là. Mais prendre conscience est aussi libérateur.

Le magicien et sa technique efficace

Son poison m’avait bien imprégné et je n’avais pas l’antidote. Et c’est après mon départ de cette entreprise que j’ai rencontré le Magicien. En réalité, ce monsieur n’est pas du tout magicien. Il fait de la recherche dans une université et accompagne les personnes dans leur projet professionnel. Et c’est en me formant à l’hypnose que j’ai su que la technique qu’il avait utilisé sur moi découlait de l’hypnose. J’étais donc allé voir ce monsieur car j’avais envie de me réorienter. Il m’a fait passé des tests de personnalité et on a parlé. Lors de notre discussion, j’ai évoqué cet épisode de ma vie. Et j’ai fondu en larmes.

Alors il a fait son tour de « magie ». Il m’a fait visualiser quelque chose de très positif pour moi et m’a demandé d’en créer une image. Ok, c’est fait. Puis il m’a fait visualiser cette épisode de ma vie qui me faisait pleurer et il m’a dit de mettre mon image positive sur tout ça. Ok. C’est fait. Et pour moi, cela à suffit. Cela n’a pas changé ce qui s’est passé dans cette entreprise. D’ailleurs, je ne cautionne toujours pas ce genre de comportement. Mais après ça, j’ai pu en parler sans pleurer. La tête beaucoup plus apaisée . C’est pour cela que je l’ai appelé le magicien.

En réalité, cette technique d’hypnose n’a rien de magique. Cela agit comme une sorte de retraitement d’informations, un peu comme l’EMDR mais sans revivre de traumatisme.

Prise de recul sur le harcèlement

Ce que j’ai appris

Cette expérience m’a appris plusieurs choses. D’abord que partir est parfois une bonne chose, même si on n’en a pas conscience sur l’instant. J’aurais sûrement mis plus de temps à réorienter ma vie, si il ne m’avait pas poussé dehors. Il aurait sûrement fait plus de dégâts aussi.

Ensuite, j’ai appris que notre meilleur allié pour aller mieux, c’est nous. J’ai changé mon comportement vis-à-vis de lui et cela m’a aidé à ne pas plonger dans un burn out profond. J’ai accepté la main tendue du magicien pour changer. Cela peut prendre une forme différente mais notre meilleur atout pour réussir à se sortir d’un harcèlement au travail, c’est nous.

Avec le recul, j’aurais dû m’en douter qu’il y allait avoir un soucis. J’avais tellement envie de déménager, que lors de mon entretien d’embauche j’ai occulté le ressenti que j’ai pu avoir à son sujet. Et ce ressenti me disait « danger »; Sûrement un message de mes émotions pour m’avertir.

J’ai eu de la chance dans cet harcèlement

Avec beaucoup de recul, j’ai eu de la chance. L’expérience a été relativement courte et j’ai été très bien entourée. Malheureusement, ce genre d’individu peut faire de nombreux dégâts au niveau professionnel ou personnel. Même des années après alors qu’ils ne sont plus présents dans notre environnement, on reste parfois sous leur coupe, comme si on était encore attaché à eux.

Heureusement, il est possible de s’en défaire et de ne plus jamais subir les dégâts de ce genre de comportemnt. Depuis, cette histoire, j’ai eu l’occasion de recroiser le même type de profil. Mais ils n’ont pas du tout eu le même impact sur moi. Cela n’a engendré ni doutes, ni larmes, ni tremblement. Quand vous comprenez qu’avec certaines personnes, c’est comme parler à un mur, vous savez que vous ne les changerez pas. Vous pouvez alors choisir de mettre votre énergie là où c’est important pour vous.

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2 réflexions sur “Harcèlement au travail, j’aurais dû m’en douter”

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